Nouvelle publication SUAL dans le journal américain SAj. Enquête auprès des professionnels français sur les traitements agonistes opioïdes
Les traitements agonistes opioïdes sont un « attracteur de soins ». Résultats d’une enquête auprès des professionnels soignants français publiés dans le journal Américain SAj. Il s'agit d'un travail mené par la Professeur Honora Englander, qui a été professeure invitée un an à Lyon. L'étude a également impliqué largement Marie Jauffret Roustide, sociologue bien connue du champ des addictions.

Les traitements agonistes opioïdes (TAO), en particulier la méthadone et la buprénorphine, sont des traitements de première ligne du trouble de l’usage d’opioïdes, dans de nombreux pays, y compris la France et les États-Unis. En France, 80% des usagers d’opioïdes ont accès aux TAO et la mortalité liée aux opioïdes est faible. En comparaison, les USA font face à une mortalité massive liée aux opioïdes, et les structures ne parviennent pas à initier ni à retenir efficacement les patients sous TAO. La manière dont les TAO sont proposés, notamment les objectifs et la culture des soins, a une incidence sur l'engagement des patients, la poursuite du traitement et les résultats obtenus. Cette étude interprofessionnelle a exploré l'approche des soignants français en matière de TAO en France, afin d'en tirer des leçons pour améliorer la mise en œuvre des soins et des TAO aux États-Unis et ailleurs.
Nous avons recruté des participants interprofessionnels (médecins, pharmaciens, infirmières, administrateurs) provenant de divers milieux de soins de santé (CSAPA, hôpitaux, experts de santé publique) et de diverses régions, et nous avons mené des entrevues qualitatives semi-structurées approfondies. Nous avons procédé à une analyse thématique réflexive en utilisant une approche inductive au niveau sémantique, et en identifiant les thèmes qui avaient un sens pour les participants à l'étude et qui avaient des implications pour la situation aux États-Unis.
Au total, 21 personnes ont participé à l'étude. Les participants ont décrit l'engagement du patient comme l'objectif principal des soins sous TAO, présentés par les répondants comme un vecteur d’attraction des gens vers les soins. Les participants estimaient que le fait d'imposer ou d'attendre l'abstinence est néfaste et peut obliger les patients à mentir ou à « mener une double vie », ce qui génère de la méfiance, des occasions de soins manquées, et des « patients perdus » qui se désengagent des soins. Les participants ont insisté sur la nécessité de trouver équilibre entre flexibilité et cadre. Ils estimaient que la souplesse favorise l'accès aux TAO et l'engagement dans les soins, et que les cliniciens doivent intégrer dans leurs décisions les éléments du contexte immédiat des usagers, et ne pas appliquer des règles trop rigides. Les participants ont indiqué que les soins devaient être proposés comme un soutien, et non comme une punition ou un contrôle. Enfin, ils ont indiqué que les pratiques donnant la priorité à l'engagement sont soutenues par les textes officiels et les recommandations professionnelles.
Les professionnels français interrogés estiment que les pratiques et les politiques de soins liées aux TAO et centrées sur l'abstinence et le contrôle, sont inopérantes. Ils suggèrent que les approches qui donnent la priorité à l'engagement du patient, et trouvent un compromis systématique entre cadre et flexibilité sont essentielles pour atteindre des taux élevés de couverture par TAO au sein des personnes utilisant des drogues.
Honora Englander
Professeur d’Addictologie à Portland, Professeure invitée à Lyon entre septembre 2023 et août 2024.
Benjamin Rolland
Professeur d’Addictologie à l’Université de Lyon, Médecin aux HCL et au Vinatier, Lyon
Marie Jauffret-Roustide
Chercheuse en Sociologie à l’INSERM et l’EHESS, Chercheuse Partenaire au Vinatier (Lyon)
Lien vers l’article original : https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/29767342251324325
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